"(…) Inventive, cohérente et rigoureuse, émaillée de trouvailles sidérantes, truffée d'épopées navrantes et d'impasses délirantes, l'oeuvre parfaitement accomplie de Teun Hocks a pour enjeu déraisonné la dérision de la condition humaine mise en pièces par un virtuose du contre-sens, un métaphysicien de l'imaginaire doté d'un don de double vue, qui semble pleurer d'un oeil mais rit à gorge déployée de l'autre". Sous son air imperturbable et placide de Buster Keaton hagard auquel il rend d'inattendus et savoureux hommages, Teun Hocks est un cambrioleur du rêve placé dans des situations improbables, vivant des rêves éveillés en pyjama rayé de bagnard, cherchant à s'évader du décor de carton pâte qu'il a lui-même conçu pour être prisonnier de l'image. Il entre autant de folie douce, d'ironie ludique et maniaque que de poésie nonsensique et de lucidité cruellement désespérante dans ces tableaux irréels et absurdes que Teun Hocks élabore sous forme de saynètes hilarantes et met en scène en studio avec une précision sans faille. Et dont il est depuis plus de vingt ans l'unique antihéros errant, ridicule et valeureux, immature et frustré, toujours actif et très consciencieux, dépressif et auto-materné, stoïque et touchant, jamais déboussolé par les coups durs et l'avalanche de gags absurdes inspirés du cinéma muet qui le muent sans pitié ni méchanceté en Sisyphe dépité, accomplissant d'inutiles ou piteux exploits, à la fois somnambule et funambule-acrobate, clown beckettien paré d'accessoires aussi futiles qu'enfantins, quêtant à croupetons les preuves de son existence (ombre, empreinte, trace) ou bien de sa disparition, tenaillé par l'irrépressible envie de la fuite (train, bateau, vélo, cheval), traçant à reculons ses pas d'échassier, gravissant des cimes d'où l'on ne descend pas, mais retombant finalement, toujours sur ses pattes. Est-ce parce qu'il est hollandais que Teun Hocks s'évertue à camper des ciels bas, des aires planes ou étendues désespérément rases, des chemins sans retour où il s'aventure et vaque, patinant sur place, défiant la lune ou cherchant de nuit la lumière avec son briquet, en quête d'un abri de fortune (maison, tente, hutte, cabane, nid, niche), frêle esquif ou havre inconfortable, refuge fragile pour ce perpétuel égaré, naufragé de la réalité, sans compagnon ni femme, résolument absente, sinon bannie, que compense mal le réconfort passif des objets familiers ? La solitude, la vanité de tout, la peur panique du néant, ainsi que le sens inné de la faute, sanctionnée par la punition de l'exil, l'expiation du temps qui file et que scande la lutte dérisoire contre la puissance des éléments (pluie, vent, orage, froid) hantent cet univers d'illusion au sein duquel Teun Hocks, éternel vagabond, seul survivant du monde, sorte d'Adam d'après la chute ou de Robinson hardi sans Vendredi, s'ébroue, creuse, bâtit, tricote, scie, crée, regarde, fume, lit, écrit, mange, s'évade, s'enterre ou s'effondre. Et subit mille avatars dûment prévus, imaginés et répétés en fonction de la prise de vue photographique, croqués avant sur le papier en des esquisses délicates, colorées à l'aquarelle ou au crayon, avant d'être tirés sur du papier sépia, puis rehaussés à l'huile par un artiste complet, à la fois metteur en scène et acteur, décorateur, paysagiste, accessoiriste, photographe et plasticien, maître d'oeuvre d'un univers inédit où le jeu des échelles, les trompe-l'oeil escheriens, la mise en abîme de l'art par  lui-même, sont traités jusqu'au vertige avec un humour aussi rare en peinture qu'en photographie (…). Patrick Roegiers Un métaphysicien de l'imaginaire in « Réel en option » Le Château d’eau, Toulouse.